Mal de dos : quelles solutions ? Quelle prévention ?

Le mal de dos, ou les lombalgies, est une pathologie qui touche tout le monde. On estime que plus d’un français sur deux a mal au dos chaque année.

Pour 1 français sur 5, la douleur dorsale durera plus de 30 jours… Au total 80% des français sont ou seront touchés par « le mal du siècle »…

Quelles sont donc les solutions contre la douleur ? et les moyens de prévention pour éviter d’avoir ou ré-avoir des problèmes de dos ? Les réponse du Docteur Brunel, spécialiste de ce type de pathologie.

Bruno Burel est médecin généraliste et médecin ostéopathe, spécialisé en médecine du sport. Il exerce son activité à Rouen et est le président d’Ostéos France- Syndicat de médecins ostéopathes qu’il a fondé en 1997.

LE MAL DE DOS SEMBLE ETRE LE MAL DU XXIÈME SIÈCLE. MAIS QU’ENTEND T’ON PAR MAL DE DOS ?

On parle de douleurs situées dans la région de la colonne vertébrale. Les patients qui se plaignent d’avoir mal au dos citent plutôt la région que l’organe.

Dans le mal de dos, on parle surtout des lombalgies, qui concernent les douleurs de la région lombaire, contrairement aux sciatiques qui sont des douleurs qui descendent dans la jambe et qui peuvent être dues à un tiraillement d’un nerf de la jambe.

Ce qui est relativement intéressant, c’est de constater que les XX et XXIème siècles sont les siècles de la mécanisation et de la sédentarité et que l’on dit que le mal de dos est le mal du siècle. Donc ce n’est pas tant l’usure de la colonne vertébrale qui est en cause, mais plutôt l’inactivité physique qui est source de douleurs.

COMMENT SOULAGER EFFICACEMENT LA DOULEUR PAR VOIE MEDICAMENTEUSE ?

Les antalgiques allant de la classe 1 (type doliprane) jusqu’à ceux de la classe 3 (dérivés morphiniques) fonctionnent bien et sont prescrits par le médecin selon le type de douleur de chaque patient.

Mais ce n’est pas une solution durable en soi. Il est essentiel de déterminer la cause de la douleur, qui peut être diverse : musculaire, viscérale, due à un rhumatisme ou encore purement nerveuse. L’apport d’une action externe et médicamenteuse n’est pas forcément suffisant.

Je m’efforce d’expliquer au patient ce que je vais faire et le coache pour une reprise de l’activité physique. De plus en plus de personnes invalides en raison de lombalgies sont envoyées dans des centres de réadaptation à l’effort et apprennent à se réhabituer à faire des mouvements et à sortir de cette invalidité chronique.

PRECONISEZ-VOUS DES METHODES MANUELLES OU NATURELLES POUR SOULAGER UN PATIENT ?

Bien sûr ! Le bon traitement passe par un accompagnement individualisé dans la prise en charge du patient. A l’origine de la lombalgie, on retrouve différents déclencheurs.

Il faut au préalable établir un diagnostic de la cause médicale : la grosse douleur au dos peut aussi bien venir d’un anévrisme de l’aorte que d’une grossesse extra-utérine, une pathologie viscérale fonctionnelle, une grosse contraction d’un muscle, une lésion d’un disque ou un rhumatisme.

Je porte ensuite un diagnostic manuel, palpatoire, mécaniste et ostéopathique : il s’agit d’avoir à sa disposition tous les outils médicaux et ostéopathiques, tant diagnostiques que thérapeutiques. Je teste les muscles, recherche les tensions sur les ligaments ou des spasmes sur des viscères, j’établis une palpation mécanique, des restrictions de mobilité articulaire. Tout cela demande des compétences multiples en médecine, ostéopathie et pathologie de l’appareil locomoteur…

J’analyse aussi la posture, dont les troubles peuvent être à l’origine de douleurs et je suis parfois amené à travailler avec un podologue, un orthoptiste ou un kinésithérapeute pratiquant la méthode Mézières.

QUELLE EST LA BONNE POSTURE A ADOPTER POUR TRAVAILLER DEVANT UN ECRAN D’ORDINATEUR ?

Pour les secrétaires et les patients travaillant sur écran, il ne s’agit plus de lombalgies, mais plutôt de dorsalgies et de cervicalgies, de douleurs des chaines musculaires qui se tendent et font souffrir l’épaule, le coude, le poignet autrement dit : les troubles musculo-squelettiques (TMS). Ils constituent aujourd’hui la première cause de maladie professionnelle.

Le médecin ostéopathe, de par son examen clinique, va faire ressentir au patient toutes les zones tendues pour qu’il en prenne conscience et arrive à les relâcher. Notre tâche est de démonter les mécanismes qui instaurent ces douleurs, ces blocages et tensions, pour les détendre et de faire modifier les gestes du patient pour éviter les rechutes. Il y a tout un travail d’éducation à faire, ainsi qu’un encadrement des gestes, et cela demande du temps : pas moins de 30 minutes par séance.

LE SPORT EST-IL RECOMMANDE ? QUELS TYPES DE SPORT PRATIQUER ?

Le sport est tout à fait recommandé. Une personne qui souffre d’un problème de disque ou d’arthrose ne doit pas rester inactif, sauf en cas d’énorme sciatique ou d’un lumbago qui l’immobiliserait quelques jours. Mais je préfère parler d’activité physique, plutôt que de sport. Il s’agit de recourir à une activité physique que l’on aime, ainsi on la pratiquera d’autant plus régulièrement.

On peut courir, nager, faire de la gym en salle ou faire du vélo…. S’il n’y a pas de sports véritablement contre-indiqués, les activités physiques individuelles sont toutefois préférables aux sports collectifs, ainsi, la personne qui la pratique n’est pas soumise aux contraintes de son ou ses partenaire(s) et peut contrôler ce qu’elle fait. Les sports comme le judo ou les sports collectifs de contacts sont aussi à éviter si l’on a mal à la colonne. En gymnastique, il ne faut pas laisser un professeur, un coach ou un tiers vous pousser vers plus de souplesse. Nul besoin d’aller aussi loin, voire plus loin, que son ami ou voisin.

Le tout est d’introduire l’activité physique progressivement, de la pratiquer régulièrement et d’éviter la performance, car le sport-performance peut abîmer. Notre rôle est d’encadrer nos patients dans leur reprise de l’activité physique, c’est essentiel pour aller mieux.

QUE PEUT-ON METTRE EN ŒUVRE EN MATIERE DE PREVENTION POUR NE PAS AVOIR MAL AU DOS ET QUELS CONSEILS D’HYGIENE DE VIE SONT A RESPECTER ?

Comme je l’ai déjà évoqué, l’activité physique comme source de bien-être, et non de performance, est aujourd’hui essentielle.

La bonne position pour éviter les lombalgies d’effort au travail est d’être bien fléchi sur ses genoux, le tronc bien droit. Mais cette position est loin d’être évidente à adopter par tous, notamment lorsqu’on souffre d’arthrose des genoux. La ceinture lombaire est très efficace et agit comme garde-fou. Elle permet d’augmenter la pression dans le ventre et évite les mouvements de grande amplitude. Contrairement aux idées reçues, il n’y a aucun risque de perdre ses muscles en l’utilisant et les patients qui souffrent de lombalgies doivent y recourir le plus possible.

La voiture pose un véritable problème. Je rencontre beaucoup de commerciaux ou de patients contraints professionnellement à faire de la route (parfois jusque 100 000kilomètres par an). Or, la plupart des voitures de fonction sont des véhicules basiques inadaptés. Il est essentiel de pouvoir régler son siège en hauteur, ainsi que d’ajuster le dossier pour un meilleur appui lombaire et un maintien latéral. Cela évite de nombreuses douleurs chroniques de dos. Les véhicules, type monospace, sont les plus adaptés pour éviter ce type de douleurs. Les gros et grands rouleurs devraient tous pouvoir adapter leur position en voiture à leur morphologie ; les petites voitures ne permettent pas un recul suffisant du siège pour les patients de plus de 1mètres90. Mieux vaut également disposer d’un régulateur de vitesse pour relâcher les muscles de sa jambe pendant la conduite. Toutes ces recommandations éviteraient bien des arrêts de travail !

Je remarque aussi que beaucoup de mes patients se plaignent de leur literie. Un bon couchage doit être suffisamment souple pour épouser les formes et suffisamment ferme pour les retenir. Si le matelas est trop ferme, les muscles ne se relâchent jamais engendrant des douleurs. La densité du couchage doit être adaptée à la morphologie : une densité de mousse très ferme pourra convenir à une personne pesant 100 kg, mais pas forcément à une autre en pesant 60. Il est également essentiel de bien essayer sa literie en magasin, de s’y allonger une dizaine de minutes pour voir si cela convient. Les matelas à mémoire de forme sont également un bon système. Mieux vaut ne pas dormir sur le ventre pour éviter les douleurs cervico-dorsales. Les meilleures positions sont sur le dos ou le côté en calant bien sa tête avec un oreiller pour qu’elle demeure dans l’axe de la colonne vertébrale. Pour chaque patient et chaque morphologie, j’analyse la posture et voit comment le couchage peut être optimal sans créer de douleurs de dos. Il n’existe pas d’oreiller anatomique universel.

PEUT-ON DIRE QUE LE PSYCHISME JOUE SUR LE MAL DE DOS ET PEUT-ON GUERIR CERTAINES LOMBALGIES PAR LA PSYCHOTHERAPIE ?

La lombalgie peut parfois être l’expression d’un début de dépression. Il faut savoir que des psychologues sont présents dans les centres de réadaptation à l’effort.

Les structures osseuses et articulaires sont la charpente de notre squelette. Autour, il y a les muscles, qui confèrent toute son efficacité à la colonne vertébrale. Mais ce qui contrôle tout cet ensemble, c’est le système nerveux central. Or, quand ce dernier est dépassé, en cas de stress par exemple, le système nerveux donne des ordres inadaptés aux muscles qui se contractent. Mon travail est de l’expliquer aux patients, de leur démontrer les mécanismes, puis de libérer ces tensions parfois générées par des problèmes psychologiques. La psychothérapie peut permettre d’éviter les rechutes, mais elle ne va pas suffire notamment lors de blocages articulaires. Le corps et l’esprit sont liés ; il faut des médecins qui soignent l’individu dans sa globalité.

Il est important de dire, dans ce contexte, que le gouvernement doit arrêter de tenir un double discours mettant l’accent sur la prévention tout en laissant de côté les médecins à expertise particulière (MEP) que sont les médecins ostéopathes, médecins du sport, homéopathes, nutritionnistes ou phytothérapeutes entre autres. Sous prétexte que nous ne faisons peu de médecine de premier recours, nous sommes laissés pour compte et sans statut, alors que nous savons prendre en charge et apporter des solutions à de nombreuses pathologies notamment induites par l’obésité et la sédentarité : les deux maux de notre siècle.

QUELLES SONT LES DERNIERES AVANCEES TECHNIQUES ET SCIENTIFIQUES EN LA MATIERE ?

Les lombalgies et dorsalgies communes constituent la cause de l’immense majorité des douleurs de colonne vertébrale. Il reste de rares cas spécifiques qui doivent être opérés. Même les hernies discales s’opèrent aujourd’hui de moins en moins. Parfois on a recours à des prothèses de disques dans des services de chirurgie extrêmement spécialisés (environ 5 en France). Mais ces interventions ne règlent pas tout et restent exceptionnelles.

L’arthrodèse vertébrale est également une technique utilisée dans de très rares cas notamment de canal lombaire rétréci par l’arthrose. Des plaques et des vis bloquent les vertèbres ensemble afin qu’il n’existe plus de compression des nerfs. La zone est alors enraidie, mais, souvent, le problème se réitère sur la région supérieure. Les grosses fractures de la colonne vertébrale relèvent également de technique d’arthrodèse.